Étienne Poulle est un sculpteur français, il vit et travaille à Angers.

Il est enseignant à l’École supérieure d’Art et de Design TALM-Angers. Apprenti maçon puis tailleur de pierre, il a oeuvré pendant plusieurs années à la restauration du patrimoine. « Ces expériences ont indiscutablement laissé des traces dans sa manière d’appréhender l’architecture, la matière et dans un certain rapport à la dimension, à l’échelle, à l’essence même de la sculpture. D’autre part, il entretient avec le patrimoine et le passé une relation de connivence – parfois teintée d’irrévérence – puisque c’est le socle même de nombre de ses oeuvres. Ses interrogations sur la manière de lire les fragments du patrimoine qui parviennent jusqu’à nous, son intérêt pour la sculpture ancienne et la sculpture contemporaine, l’amènent à pratiquer certains « tissages » entre les deux dans son travail. » Christine Besson, conservatrice en chef et commissaire de l’exposition Rester de marbre d’Étienne Poulle au Musée des Beaux-Arts d’Angers.

L’exposition Jouer d’usages dévoile un ensemble d’oeuvres sculpturales et de pièces inédites spécialement conçues pour Labanque. Les oeuvres de cette exposition convoquent des thèmes chers à Étienne Poulle comme la mémoire, l’architecture, la sculpture, le savoir-faire et se rassemblent au rez-de-chaussée et dans les sous-sols de Labanque. L’artiste entremêle l’architecture et la sculpture, et déjoue leurs fonctions premières. D’un côté, la sculpture est esthétique, artistique et symbolique. Elle peut être figurative, abstraite, minuscule ou monumentale. L’architecture, quant à elle, répond à un usage : se loger, se réunir, se protéger. Si l’architecture peut être expressive, elle est d’abord fonctionnelle et spatiale. Elle créée des espaces construits. Étienne Poulle joue et brouille volontairement ces deux disciplines : il crée des espaces architecturaux de manière sculpturale, et conçoit des sculptures à échelle architecturale, voire praticable. Les oeuvres présentées s’inscrivent dans cette hybridité : des objets démesurés, inspirés de jouets ou d’artefacts, questionnent la relation entre échelle, espace et usage, à la croisée des langages de la sculpture et des imaginaires architecturaux.

Au rez-de-chaussée, Étienne Poulle donne forme au paradoxe : l’éphémère devient mémoire, l’objet manufacturé en vestige contemporain, l’ordinaire en sacré. Dès l’entrée, deux tentes aux formes communes jouent de leur apparence. Elles sont figées par leur matière ; le bois et le zinc remplacent la toile, le plâtre suggère la souplesse. En perdant leur mobilité, ces tentes offrent un autre rapport au logement, à l’abri, à l’architecture précaire. Au centre, entourés des piliers de Labanque, s’érigent les Bakugans®. Ces petits jouets guerriers, vifs et colorés, liés à la culture manga et à l’ère industrielle, adoptent ici la posture solennelle des statues de marbre. L’artiste puisse dans l’univers familier du jouet plastique et lui confère les codes artistiques des statues antiques, interrogeant leur valeur historique et leur fonction. Ailleurs des trognes de saule s’assemblent avec des briques LEGO®, comme si le vivant, lui aussi, jouait à recomposer sa matière. Plus loin, des sculptures aux finitions chromées oscillent entre outil préhistorique et pièce de carrosserie contemporaine. Étienne Poulle s’empare ici des formes des haches néolithiques, issues d’un savoirfaire ancestral. Dans la serre de monnaie, cette fois l’artiste rend nomade une croix habituellement ancrée le long d’un chemin de pélerinage, témoignant « sans nostalgie, dans un monde fait de déplacements incessants, où concrètement enterrer ses morts, enraciner ses histoires ? ». Par un jeu subtil d’échelle, de matière et de détournement, l’artiste avec malice, fait perdre la fonction première de ces objets ancestraux. Dans les sous-sols, Étienne Poulle fait surgir des constructions improbables appartenant à un passé recomposé. Deux oeuvres monumentales se font écho : MédiévO 2 et Ruines LEGO®. La première est une installation de parpaings sculptés de moulures et d’ornements issus de l’architecture romane. De cette manière brute de chantier est révélé une architecture délicate. La seconde semble un grand jouet LEGO® mais confronte le visiteur à un univers en ruine. L’artiste convoque ici l’idée du palimpseste urbain : ce processus par lequel les villes se créent et se défont par couches successives, entre effondrements et reconstructions. Dans la salle des coffres, Étienne Poulle dévoile les prochaines reliques de l’ère industrielle : les blisters. Le blister est l’emballage thermoformé en plastique assurant la présentation et la protection d’un produit. Ici, l’artiste copie leurs formes et les transforme en petits objets de porcelaine. Exposées telles des bijoux, plaquées d’un pictogramme doré détourné de celui du tri sélectif, les oeuvres sont placées dans les coffres de Labanque, tels des écrins, leur conférant ainsi le titre d’objets précieux témoignant d’un passé à venir.

La porcelaine, cette matière noble empreinte de délicatesse et de raffinement, sacralise ici l’ordinaire et dévoile des objets du quotidien : un lot de deux brosses à dents, un lot de trois rubans correcteurs ou encore des disques abrasifs auto-agrippant pour ponceuse excentrique. Jouer d’usages a une temporalité déroutante : celle d’après le jeu, d’après l’usage, d’après le geste. L’exposition se parcourt comme un chantier de fouilles archéologiques, où les restes de notre quotidien deviennent les fragments d’un récit collectif à réinventer.

44 Pl. Georges Clèmenceau
62400 Béthune
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